En présomption d’IEF

Une histoire a été racontée, celle de « 50 gamines voilées enfermées dans des salles sans fenêtres ». Suite à quoi l’instruction à domicile a été annoncée comme prochainement interdite. Mais, quel rapport? Aucun.

Donc, 50 fillettes voilées dans une classe… mais alors il s’agit d’une école : école privée hors contrat ou école clandestine. Dans le cas 1, il est urgent de renforcer les contrôles vers le privé. Dans le cas numéro 2 l’interdiction de toute école clandestine existe déjà et elle suffit, on ferme et on met en place des suivis de rescolarisation pour ces cas isolés. Alors, pourquoi diable supprimer en même temps la liberté de tous à instruire ? D’autant que ce n’est pas « l’école obligatoire pour tous » qui empêchera les écoles coraniques des mercredi et samedi de fonctionner, voilà, c’est écrit (et j’ajoute qu’il y a d’excellentes écoles coraniques, où serait le problème que ce ne fût pas le cas ?). Allons-nous vers des obligations de l’État, pour nos enfants, qui seront élargies aux temps de loisirs, au risque de remémorer de sombres précédents historiques ?

Reprenons. Dès lors que l’on parle d’IEF, la mise au pluriel s’impose. Les possibilités d’instruction en famille sont nombreuses, allant des cours de l’Éducation nationale validés et estampillés par le ssssystème (le fameux CNED que nous envient les Russes), en passant par l’Apprentissage informel, avec au milieu un peu de ci et pas mal de ça, des adaptations pour les enfants en situation de handicap, de l’ingéniosité pour les inclassables (« les Incasables » dirait Rachid ZERROUKI), ou ceux que l’école dit prendre en charge mais pose en marge…. Car l’école est pour tous tant qu’on ne vient pas vous annoncer que le petit serait mieux « ailleurs ». Cas isolés certes mais c’est ainsi, et ce sera ainsi dans n’importe quel système un tant soit peu vivant. On peut en débattre, pas aujourd’hui. Aujourd’hui j’ai IEF.

Les enfants à qui l’on offre l’instruction en famille sont, et de loin, les plus contrôlés de France, socialement et scolairement. Aucun risque pour eux de dérive sectaire avec chaque année au moins un contrôle par la mairie et un contrôle des savoirs par un Inspecteur, et plus si dés-affinité… Injonction de re scolarisation quasi immédiate si le désaccord persiste, voire parfois au moindre doute. Niveau sécurité des enfants, c’est parfait. Mais, 50 fillettes dans le noir vont détruire quelque chose qui n’a rien à voir et qui est bien fait. Si on s’occupait d’elles plutôt?

L’image d’une enfant en noir dans le sombre d’une classe, dans l’obscurantisme auxquelles ces couleurs ramènent : on ne peut qu’approuver toute mesure visant à libérer la victime, et même s’en trouver féministe au passage. Cette vision ne pouvait que rassembler. Mais est venu s’y associer n’importe quel extrême, n’importe quoi. Aujourd’hui on parle d’habits, de chants, de danses… toute sortie du moule est repérée, dénoncée, récupérée. A se demander si un jour quelqu’un a eu droit à un folklore, des origines, autres que celles « qu’il faut » en tous cas. Mais que faut-il ? Nul finalement ne le sait trop bien, on se replie derrière un frileux « en tous cas, ce n’est pas moi » lorsqu’on désigne un coupable. Comme à l’école parfois, où on ne sait plus si on est dans le cadre tant que l’enseignant ne l’a pas re matérialisé par un acte, une parole, un geste. Comme elle rassure, cette existence d’un cercle qui fait la règle, et plus encore si l’on est certain de se trouver dedans. Mais nous sommes les parents de nos enfants. Nous sommes les grands. Avons-nous réellement, réellement besoin qu’un maitre vienne nous pointer les règles ? Ne serait-ce pas plutôt à nous désormais de former un cercle protecteur autour de nos petits, notamment en protégeant leurs droits ?

La période est difficile pour chacun. C’est un moment où il est tentant d’abandonner, de fermer les yeux, d’espérer juste ne pas être le prochain. D’attendre un peu. De décider d’être en règle en regardant la facette que l’on nous montre. De se sentir droit face à certaines luttes qui paraissent nécessaires au bien commun, et le sont parfois, ou si on mélange bien tout. Je ne souhaite pas entrer dans des considérations que d’autres, mais pas moi, maitrisent à la perfection. Restons sur le sujet d’une liberté, choisir pour nos enfants la manière dont ils seront instruits, tout en acceptant que l’État vienne veiller sur ce choix. Acceptons aussi que l’État puisse fermer une école clandestine. Acceptons enfin que les deux n’aient rien à voir. École ou pas, Instruction et Éducation doivent rester soumises au contrôle de l’État, et c’est déjà le cas.

Une liberté ne peut être soustraite à tout un peuple pour 50 exemples certes désolants mais hors-sujets. Partout, il est proclamé que le mieux c’est le choix. C’est la pub qui le dit, c’est affiché en couleur. Alors pourquoi pas? Plusieurs manières de vivre peuvent cohabiter et même s’enrichir l’une l’autre. Tant que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres, tout va bien, sauf qu’il va falloir y veiller, à ces libertés, et quand elles se restreignent veiller aussi que c’est bien parce que l’on empiète sur le champ du voisin. Mais qu’avons-nous à perdre à part elles?

Enfin il convient de mettre le point sur un dernier « i » : ce qui va être supprimé, c’est dans l’imaginaire de certains les devoirs rapporté par Appolline à son voisin Appolin fiévreux et qui a « manqué cette semaine ». Mais l’IEF ce n’est pas cela. L’IEF dépasse aussi ce qui s’est joué comme inventivité durant le premier confinement, même si ça a été sacrément ingénieux.

Ce qui va être supprimé, certains pensent l’avoir expérimenté durant le premier confinement, et ne comprennent pas que l’on se batte pour le défendre parfois. Mais durant cette période, tous ceux des parents qui ont tenté d’apprendre quelque chose à leur progéniture n’ont pas pratiqué l’IEF telle que la conçoivent ceux qui décident de la vivre à l’année. Pas parce que les profs n’étaient pas prêts (et pourtant ils n’étaient pas prêts). Pas parce que ce qui était reçu n’était pas de qualité, ce serait plutôt massivement le contraire. Mais parce que l’IEF n’est tout simplement pas égal à une école qui se ferait « comme à l’école mais à la maison ». Or c’est bien ce qu’on a commandé à tous de faire à partir du 17 mars 2020. Il est nécessaire d’ouvrir une réflexion pour faire comprendre que l’un n’est pas et ne sera jamais l’autre. Ce serait trop simple.

L’école à la maison vécue pendant le confinement c’était déjà vite d’une autre qualité que ce que rapporte Appoline à Appolin, son cahier, les devoirs. Les parents demandent, les profs donnent… mais sans préparation, car qui pouvait prévoir le rhume d’Appolin?

L’école du confinement était déjà celle de l’anticipation, des vidéos où les enseignants expliquaient aux parents comment et avec quel objectif utiliser ce qu’ils recevaient comme travail. Je passe sur les couacs des deux côtés (des enseignants qui mettaient en ligne trop ou trop peu de travail, des parents qui faisaient recopier des lignes à leurs rejetons jusqu’à s’en endormir joue contre cahier, « parce que c’est tout ce qu’on t’a donné aujourd’hui ? » ou qui se vantaient de lui faire prendre de l’avance sur le programme…) parce que même si lorsqu’on est celui qui le vit, cela reste inadmissible, ces dissonances n’ont pas été majoritaires.

Pourtant ensuite J-MB l’a martelé, « l’École doit rester ouverte ». C’est chouette pour beaucoup d’ailleurs que l’école soit ouverte, pour des raisons sociales à multiples facettes, du contact avec les copains jusqu’à manger à sa faim. Et aussi pour apprendre même si on est peu venu nous parler des bénéfices pédagogiques, voire du pédagogique tout court. Il a juste été assené que vraiment les enfants n’avaient rien appris durant le confinement, non rien vraiment, quelle catastrophe et c’était si dur pour les parents et l’économie, pourquoi réitérer alors que l’École était là à pouvoir offrir du savoir pour les jeunes… et du temps de travail pour leurs parents. C’est sans doute vrai d’ailleurs, mais ça a été décrit comme si tout à coup rien ne pouvait être bon pour les enfants que l’école. Pourtant, avant, certains étaient heureux et performants au sein de l’IEF. Pourtant, parfois, ils ont été rejoints par d’autres qui s’étaient trouvés bien, ou mieux, de cette école à la maison. Ils ont été peu entendus, mais la très forte augmentation des instruits en famille en 2021 n’est pas due qu’à la peur du virus, ou au refus des masques qui d’ailleurs ne sont apparus qu’en cours de route pour les plus jeunes. Entrer en IEF provient d’une vraie décision, familiale dans l’exact du terme, de nouveau, et de nouveau reliée au monde de toutes les façons possibles. Les IEF ne se barricadent pas, pourquoi vouloir faire croire le contraire? Pourquoi faire croire à un retranchement qu’il faudrait traiter par l’obligation de l’école?

En IEF, à charge pour chaque parent de se transformer en magicien des couleurs pour réussir celui des décors de l’instruction qui conviendra à la famille dans son entier. Et c’est l’autre facette de cette fameuse IEF : dans la large majorité des cas, elle concerne et implique toute la famille, non pas en transformant chacun en éducateur mais en s’appuyant sur un mode de vie spécifique. Parfois peu de quotidien à changer, parfois un bouleversement obligatoire. Très souvent la sensation de devoir se démultiplier. Du classique de famille avec enfant(s), finalement.

La vie en IEF doit tout prendre en compte, y compris le petit dernier qui lui va à l’école et dont les horaires vont entrer dans l’emploi du temps familial. Rien de vide, rien d’exceptionnel non plus, des copains comme partout. Ah parce que non l’IEF n’est pas une secte. Ils ne vivent pas « entre eux » (ni tous nus). La majorité des IEF c’est monsieur et madame tout le monde, avec un petit budget parce que souvent les salaires vont avec la disponibilité accordée aux enfants et que le matériel pédagogique, c’est pas gratuit.

S’il avait été prévu de dissoudre cette liberté dès que possible, alors le confinement fût un instant de grâce : parents torturés entre travail, autres enfants, connexion internet et autres divers soucis qui ont été je crois largement étalés… profs qui pendant ce temps ont été décrits en cueillette de gariguettes – tant il est vrai qu’aucun prof n’est parent, cela se saurait.  Nous avons tous désormais le sentiment d’avoir un tant soit peu expérimenté l’IEF, que l’on nomme à tort « école à la maison » –je me répète ? Et parfois la sensation que ce n’était pas terrible et sa disparition pas un drame.

Cette réflexion est alimentée, aussi, par J-MB Himself, lui qui a ensuite veillé scrupuleusement à ce que les écoles françaises ne referment plus (mais en oubliant au passage le 2S2C, oups), car « les enfants étaient plus en sécurité à l’école qu’à la maison ». Si on ouvre des considérations sociales et socialisantes, c’est certainement vrai, au moins en partie. Si on étend cette affirmation à tous les enfants, cela fait de ceux instruit à domicile des enfants en danger, comme c’est simple.

J’ai vu des gens que l’on envoyait en guerre les uns contre les autres sans même qu’ils semblent s’en rendre compte, alors qu’au final l’avenir, l’éducation et l’instruction les rassemblent. Demain la division qui semble désormais de mise sera remplacée par une autre, et encore une autre après-demain, nous sommes dans une période de chaos et les angoisses et diversions de l’esprit sont multiples, faciles pour angoisser, faciles à utiliser. On oublie. On veut oublier, avancer aussi. Pourtant au-delà même du sujet, la disparition de l’IEF serait une décision anticonstitutionnelle. Voici venir le fameux « anticonstitutionnellement », un mot que j’ai rencontré la première fois, enfant, comme étant le plus long de mon dictionnaire. Qu’est-ce que je souhaite en dire aux miens?

J’ai lu récemment que l’Éducation nationale était un marché, qui devait s’appuyer sur le privé et la capacité de certaines familles à y mettre leur progéniture (pas de panique, le privé est financé par l’État, mais du coup je comprends moins bien la logique, bref). Dans cette optique, ne devraient rester à la charge du budget visible public de l’État que les élèves les plus défaillants, au niveau social ou au niveau des besoins spécifiques. Moi je vois surtout arriver l’étiquette de « handicap social » et les élèves en situation de handicap, quel que soit celui-ci, traités différemment selon les capacités pécuniaires de leurs parents, et plus des leurs. Ne parlons pas de ceux qui seront simplement en difficulté scolaire, ce sont depuis plus de dix ans les oubliés du système. La mixité, le mélange, les inclusions qui venaient créer l’École disparaissent tranquillement au profit d’un chacun pour soi qui vient à merveille illustrer l’esprit de compétition qu’on dit depuis des lustres trop présent à l’école, et néfaste. Et la société? Bah pareil.

Disparaissons donc dans un quant à soi de protection illusoire au lieu de coopérer, un peu, juste un peu. Dommage, on était grand.

Une histoire a été racontée, celle de « 50 gamines voilées enfermées dans des salles sans fenêtres ». Suite à quoi l’instruction à domicile a été annoncée comme prochainement interdite. Mais, quel rapport? Aucun.

Donc, 50 fillettes voilées dans une classe… mais alors il s’agit d’une école : école privée hors contrat ou école clandestine. Dans le cas 1, il est urgent de renforcer les contrôles vers le privé. Dans le cas numéro 2 l’interdiction de toute école clandestine existe déjà et elle suffit, on ferme et on met en place des suivis de rescolarisation pour ces cas isolés. Alors, pourquoi diable supprimer en même temps la liberté de tous à instruire ? D’autant que ce n’est pas « l’école obligatoire pour tous » qui empêchera les écoles coraniques des mercredi et samedi de fonctionner, voilà, c’est écrit (et j’ajoute qu’il y a d’excellentes écoles coraniques, où serait le problème que ce ne fût pas le cas ?). Allons-nous vers des obligations de l’État, pour nos enfants, qui seront élargies aux temps de loisirs, au risque de remémorer de sombres précédents historiques ?

Reprenons. Dès lors que l’on parle d’IEF, la mise au pluriel s’impose. Les possibilités d’instruction en famille sont nombreuses, allant des cours de l’Éducation nationale validés et estampillés par le ssssystème (le fameux CNED que nous envient les Russes), en passant par l’Apprentissage informel, avec au milieu un peu de ci et pas mal de ça, des adaptations pour les enfants en situation de handicap, de l’ingéniosité pour les inclassables (« les Incasables » dirait Rachid ZERROUKI), ou ceux que l’école dit prendre en charge mais pose en marge…. Car l’école est pour tous tant qu’on ne vient pas vous annoncer que le petit serait mieux « ailleurs ». Cas isolés certes mais c’est ainsi, et ce sera ainsi dans n’importe quel système un tant soit peu vivant. On peut en débattre, pas aujourd’hui. Aujourd’hui j’ai IEF.

Les enfants à qui l’on offre l’instruction en famille sont, et de loin, les plus contrôlés de France, socialement et scolairement. Aucun risque pour eux de dérive sectaire avec chaque année au moins un contrôle par la mairie et un contrôle des savoirs par un Inspecteur, et plus si dés-affinité… Injonction de re scolarisation quasi immédiate si le désaccord persiste, voire parfois au moindre doute. Niveau sécurité des enfants, c’est parfait. Mais, 50 fillettes dans le noir vont détruire quelque chose qui n’a rien à voir et qui est bien fait. Si on s’occupait d’elles plutôt?

L’image d’une enfant en noir dans le sombre d’une classe, dans l’obscurantisme auxquelles ces couleurs ramènent : on ne peut qu’approuver toute mesure visant à libérer la victime, et même s’en trouver féministe au passage. Cette vision ne pouvait que rassembler. Mais est venu s’y associer n’importe quel extrême, n’importe quoi. Aujourd’hui on parle d’habits, de chants, de danses… toute sortie du moule est repérée, dénoncée, récupérée. A se demander si un jour quelqu’un a eu droit à un folklore, des origines, autres que celles « qu’il faut » en tous cas. Mais que faut-il ? Nul finalement ne le sait trop bien, on se replie derrière un frileux « en tous cas, ce n’est pas moi » lorsqu’on désigne un coupable. Comme à l’école parfois, où on ne sait plus si on est dans le cadre tant que l’enseignant ne l’a pas re matérialisé par un acte, une parole, un geste. Comme elle rassure, cette existence d’un cercle qui fait la règle, et plus encore si l’on est certain de se trouver dedans. Mais nous sommes les parents de nos enfants. Nous sommes les grands. Avons-nous réellement, réellement besoin qu’un maitre vienne nous pointer les règles ? Ne serait-ce pas plutôt à nous désormais de former un cercle protecteur autour de nos petits, notamment en protégeant leurs droits ?

La période est difficile pour chacun. C’est un moment où il est tentant d’abandonner, de fermer les yeux, d’espérer juste ne pas être le prochain. D’attendre un peu. De décider d’être en règle en regardant la facette que l’on nous montre. De se sentir droit face à certaines luttes qui paraissent nécessaires au bien commun, et le sont parfois, ou si on mélange bien tout. Je ne souhaite pas entrer dans des considérations que d’autres, mais pas moi, maitrisent à la perfection. Restons sur le sujet d’une liberté, choisir pour nos enfants la manière dont ils seront instruits, tout en acceptant que l’État vienne veiller sur ce choix. Acceptons aussi que l’État puisse fermer une école clandestine. Acceptons enfin que les deux n’aient rien à voir. École ou pas, Instruction et Éducation doivent rester soumises au contrôle de l’État, et c’est déjà le cas.

Une liberté ne peut être soustraite à tout un peuple pour 50 exemples certes désolants mais hors-sujets. Partout, il est proclamé que le mieux c’est le choix. C’est la pub qui le dit, c’est affiché en couleur. Alors pourquoi pas? Plusieurs manières de vivre peuvent cohabiter et même s’enrichir l’une l’autre. Tant que la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres, tout va bien, sauf qu’il va falloir y veiller, à ces libertés, et quand elles se restreignent veiller aussi que c’est bien parce que l’on empiète sur le champ du voisin. Mais qu’avons-nous à perdre à part elles?

Enfin il convient de mettre le point sur un dernier « i » : ce qui va être supprimé, c’est dans l’imaginaire de certains les devoirs rapporté par Appolline à son voisin Appolin fiévreux et qui a « manqué cette semaine ». Mais l’IEF ce n’est pas cela. L’IEF dépasse aussi ce qui s’est joué comme inventivité durant le premier confinement, même si ça a été sacrément ingénieux.

Ce qui va être supprimé, certains pensent l’avoir expérimenté durant le premier confinement, et ne comprennent pas que l’on se batte pour le défendre parfois. Mais durant cette période, tous ceux des parents qui ont tenté d’apprendre quelque chose à leur progéniture n’ont pas pratiqué l’IEF telle que la conçoivent ceux qui décident de la vivre à l’année. Pas parce que les profs n’étaient pas prêts (et pourtant ils n’étaient pas prêts). Pas parce que ce qui était reçu n’était pas de qualité, ce serait plutôt massivement le contraire. Mais parce que l’IEF n’est tout simplement pas égal à une école qui se ferait « comme à l’école mais à la maison ». Or c’est bien ce qu’on a commandé à tous de faire à partir du 17 mars 2020. Il est nécessaire d’ouvrir une réflexion pour faire comprendre que l’un n’est pas et ne sera jamais l’autre. Ce serait trop simple.

L’école à la maison vécue pendant le confinement c’était déjà vite d’une autre qualité que ce que rapporte Appoline à Appolin, son cahier, les devoirs. Les parents demandent, les profs donnent… mais sans préparation, car qui pouvait prévoir le rhume d’Appolin?

L’école du confinement était déjà celle de l’anticipation, des vidéos où les enseignants expliquaient aux parents comment et avec quel objectif utiliser ce qu’ils recevaient comme travail. Je passe sur les couacs des deux côtés (des enseignants qui mettaient en ligne trop ou trop peu de travail, des parents qui faisaient recopier des lignes à leurs rejetons jusqu’à s’en endormir joue contre cahier, « parce que c’est tout ce qu’on t’a donné aujourd’hui ? » ou qui se vantaient de lui faire prendre de l’avance sur le programme…) parce que même si lorsqu’on est celui qui le vit, cela reste inadmissible, ces dissonances n’ont pas été majoritaires.

Pourtant ensuite J-MB l’a martelé, « l’École doit rester ouverte ». C’est chouette pour beaucoup d’ailleurs que l’école soit ouverte, pour des raisons sociales à multiples facettes, du contact avec les copains jusqu’à manger à sa faim. Et aussi pour apprendre même si on est peu venu nous parler des bénéfices pédagogiques, voire du pédagogique tout court. Il a juste été assené que vraiment les enfants n’avaient rien appris durant le confinement, non rien vraiment, quelle catastrophe et c’était si dur pour les parents et l’économie, pourquoi réitérer alors que l’École était là à pouvoir offrir du savoir pour les jeunes… et du temps de travail pour leurs parents. C’est sans doute vrai d’ailleurs, mais ça a été décrit comme si tout à coup rien ne pouvait être bon pour les enfants que l’école. Pourtant, avant, certains étaient heureux et performants au sein de l’IEF. Pourtant, parfois, ils ont été rejoints par d’autres qui s’étaient trouvés bien, ou mieux, de cette école à la maison. Ils ont été peu entendus, mais la très forte augmentation des instruits en famille en 2021 n’est pas due qu’à la peur du virus, ou au refus des masques qui d’ailleurs ne sont apparus qu’en cours de route pour les plus jeunes. Entrer en IEF provient d’une vraie décision, familiale dans l’exact du terme, de nouveau, et de nouveau reliée au monde de toutes les façons possibles. Les IEF ne se barricadent pas, pourquoi vouloir faire croire le contraire? Pourquoi faire croire à un retranchement qu’il faudrait traiter par l’obligation de l’école?

En IEF, à charge pour chaque parent de se transformer en magicien des couleurs pour réussir celui des décors de l’instruction qui conviendra à la famille dans son entier. Et c’est l’autre facette de cette fameuse IEF : dans la large majorité des cas, elle concerne et implique toute la famille, non pas en transformant chacun en éducateur mais en s’appuyant sur un mode de vie spécifique. Parfois peu de quotidien à changer, parfois un bouleversement obligatoire. Très souvent la sensation de devoir se démultiplier. Du classique de famille avec enfant(s), finalement.

La vie en IEF doit tout prendre en compte, y compris le petit dernier qui lui va à l’école et dont les horaires vont entrer dans l’emploi du temps familial. Rien de vide, rien d’exceptionnel non plus, des copains comme partout. Ah parce que non l’IEF n’est pas une secte. Ils ne vivent pas « entre eux » (ni tous nus). La majorité des IEF c’est monsieur et madame tout le monde, avec un petit budget parce que souvent les salaires vont avec la disponibilité accordée aux enfants et que le matériel pédagogique, c’est pas gratuit.

S’il avait été prévu de dissoudre cette liberté dès que possible, alors le confinement fût un instant de grâce : parents torturés entre travail, autres enfants, connexion internet et autres divers soucis qui ont été je crois largement étalés… profs qui pendant ce temps ont été décrits en cueillette de gariguettes – tant il est vrai qu’aucun prof n’est parent, cela se saurait.  Nous avons tous désormais le sentiment d’avoir un tant soit peu expérimenté l’IEF, que l’on nomme à tort « école à la maison » –je me répète ? Et parfois la sensation que ce n’était pas terrible et sa disparition pas un drame.

Cette réflexion est alimentée, aussi, par J-MB Himself, lui qui a ensuite veillé scrupuleusement à ce que les écoles françaises ne referment plus (mais en oubliant au passage le 2S2C, oups), car « les enfants étaient plus en sécurité à l’école qu’à la maison ». Si on ouvre des considérations sociales et socialisantes, c’est certainement vrai, au moins en partie. Si on étend cette affirmation à tous les enfants, cela fait de ceux instruit à domicile des enfants en danger, comme c’est simple.

J’ai vu des gens que l’on envoyait en guerre les uns contre les autres sans même qu’ils semblent s’en rendre compte, alors qu’au final l’avenir, l’éducation et l’instruction les rassemblent. Demain la division qui semble désormais de mise sera remplacée par une autre, et encore une autre après-demain, nous sommes dans une période de chaos et les angoisses et diversions de l’esprit sont multiples, faciles pour angoisser, faciles à utiliser. On oublie. On veut oublier, avancer aussi. Pourtant au-delà même du sujet, la disparition de l’IEF serait une décision anticonstitutionnelle. Voici venir le fameux « anticonstitutionnellement », un mot que j’ai rencontré la première fois, enfant, comme étant le plus long de mon dictionnaire. Qu’est-ce que je souhaite en dire aux miens?

J’ai lu récemment que l’Éducation nationale était un marché, qui devait s’appuyer sur le privé et la capacité de certaines familles à y mettre leur progéniture (pas de panique, le privé est financé par l’État, mais du coup je comprends moins bien la logique, bref). Dans cette optique, ne devraient rester à la charge du budget visible public de l’État que les élèves les plus défaillants, au niveau social ou au niveau des besoins spécifiques. Moi je vois surtout arriver l’étiquette de « handicap social » et les élèves en situation de handicap, quel que soit celui-ci, traités différemment selon les capacités pécuniaires de leurs parents, et plus des leurs. Ne parlons pas de ceux qui seront simplement en difficulté scolaire, ce sont depuis plus de dix ans les oubliés du système. La mixité, le mélange, les inclusions qui venaient créer l’École disparaissent tranquillement au profit d’un chacun pour soi qui vient à merveille illustrer l’esprit de compétition qu’on dit depuis des lustres trop présent à l’école, et néfaste. Et la société? Bah pareil.

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